La cartographie des controverses procède à la description minutieuse d’une situation et étudie la manière dont, au fil du temps, ses acteur·rice·s, par leurs arguments et leurs interrelations, problématisent et rendent publics leurs désaccords. Cette opération est celle de l’enquête : elle consiste à dresser un état des lieux à partir de la collecte de données et de l’organisation de matériaux documentaires, auquel s’associe généralement un travail de terrain, à la rencontre de celles et ceux qui font la controverse.
L’enquête n’est pas spécifique à l’analyse de controverses, ni même aux sciences sociales, elle partage ses méthodes avec d’autres disciplines. Sa pratique traverse aujourd’hui la société, de la recherche aux arts, du journalisme à l’activisme, de la pédagogie à la création. Elle est un outil politique et une méthode formelle pour appréhender un monde de plus en plus complexe et incertain. À l’école et à l’université, l’enquête est porteuse d’expérimentations qui inspirent la joie d’apprendre ensemble, valorisent les savoirs en train de se faire et transforment la relation pédagogique. Menée par des citoyen·ne·s dans le monde social, elle devient un levier d’empowerment pour construire des versions polyphoniques des problèmes contemporains, collectifs et individuels.
Les pages qui suivent retracent le cheminement des enquêtes de controverses. Pour commencer, elles décrivent l’enquête comme une pratique qui stimule l’esprit critique indispensable à l’exercice démocratique. Puis elles déploient les outils nécessaires à sa conduite. La méthode de la description, qui invite à sans cesse accueillir l’improbable et la richesse du réel, est particulièrement efficace pour faire émerger du terrain de nouveaux cadres d’analyse théorique et remettre en cause nos visions du monde. L’enquête doit enfin être présentée et c’est sa mise en forme qui permet son aboutissement. Nous avons choisi d’exposer deux modes de restitution expérimentés et éprouvés par Forccast. Le premier est l’écriture numérique et la production de sites web sociologiques, dont le principe même, celui de l’hyperlien, offre une traduction technologique au principe de la mise en relation, qui est au cœur de la cartographie des controverses. Tel un processus agissant, elle vient nourrir et transformer l’enquête. Le deuxième mode de restitution est la simulation de débats, qui incarne et rejoue, par le biais de la performance, la matérialité et l’hétérogénéité d’une controverse. Vivante et en partie improvisée, elle est aussi une manière de contrarier toujours un peu plus nos certitudes et, paradoxalement, de rendre le doute plus assuré. Pour finir, nous proposons un aperçu de ce que la création artistique peut apporter à l’analyse de controverses.