publié par équipe FORCCAST le 25 sept. 2019
Au printemps dernier, Forccast a ouvert ses formations à des publics nouveaux sous la forme d’un atelier de Sociologie populaire des controverses pour s’initier à la technique de l’enquête. L’investissement des participant-e-s, qui se sont mobilisé-e-s trois soirs entre mai et juin 2019, a été essentiel à la réussite de cette nouvelle expérience. Retour sur les trois séances qui se sont déroulées à la Gaîté Lyrique autour de deux sujets controversés : l’aménagement de la forêt de Romainville et le burn-out.
Un atelier tout public inédit
Une esquisse du projet d’atelier avait pris corps quelques mois plus tôt, à la suite du Prix annuel de cartographies de controverses au Plateau Bar de l’établissement culturel de la Mairie de Paris, La Gaîté Lyrique. À la fin des présentations, Forccast avait organisé un atelier invitant qui voulait à “prendre le temps de l’enquête”. La volonté d’approfondir l’expérience et d’appliquer la méthode en dehors du contexte pédagogique et scientifique dans laquelle elle s’inscrit habituellement, s’est traduite par le projet d’un atelier citoyen, ouvert et gratuit. L’objectif: introduire les participant-e-s à la méthodologie de l’enquête au moyen de travaux pratiques en sciences sociales, pour à terme fonder leur point de vue de citoyen-ne. L’atelier a vite affiché complet, rassemblant une trentaine d’inscrit-e-s d’horizons divers. La plupart s’est engagée par affinité avec les thèmes choisis : des étudiant-e-s en médecine et en psychologie, une animatrice d’éducation populaire “curieuse de découvrir de nouvelles méthodes d’action professionnelle et militante”, un habitant de Romainville… À leur inscription, plusieurs ont notamment manifesté leur envie de cultiver leur esprit critique pour “contrer la difficulté de comprendre ce qui se passe réellement autour d’[eux]”, “être capable de mener [leurs] propres enquêtes”. Une participante, très active dans les assemblées citoyennes, souhaitait par exemple affiner ses compétences en matière d’enquête et d’entretien. L’équipe a cherché à répondre à ces attentes en proposant de travailler sur deux controverses vives.
L’aménagement de la forêt de Romainville et le burn-out : deux sujets d’actualité controversés
La forêt peut-elle trouver sa place en ville ? La forêt de Romainville, ou Corniche des Forts, représente vingt-huit hectares de flore ayant poussé spontanément sur une ancienne carrière de gypse (minéral utilisé notamment pour fabriquer du plâtre), exploitée jusqu’au milieu des années 1960. Le site suscite un vif intérêt de la part de la Région Île-De-France depuis les années 90, désireuse de transformer la forêt en une base de loisirs. Aujourd’hui, si le projet d’une promenade écologique ne concerne plus qu’une partie de la forêt (8 hectares sur 28), l’opposition de la part d’associations écologistes et de militants ne faiblit pas. Bien qu’inaccessible en raison du risque d’effondrement des galeries de la carrière, la forêt, véritable poumon dans un territoire carencé en espaces verts, est en effet refuge d’une multitude d’espèces animales et végétales. Mais de la sanctuarisation totale à une exploitation partielle et contrôlée du site, les questions demeurent complexes.
Le burn-out : de la souffrance au travail à la reconnaissance d’une maladie ? Le syndrome d’épuisement professionnel ou burn-out (terme largement utilisé depuis son apparition il y a une quarantaine d’années), est présenté comme un symptôme majeur des dysfonctionnements liés aux modes d’organisation du travail dans notre société ; pourtant, médicalement, psychologiquement, juridiquement, administrativement et politiquement, sa définition et la délimitation des maux qu’il recouvre font toujours l’objet de disputes vives. L’analyse de cette controverse nous invite à penser ce qu’implique de donner un nom à la souffrance au travail, en termes de reconnaissance, réparation et prévention.
Apprendre à analyser des ressources documentaires et mener un entretien sociologique
L’équipe Forccast a produit un dossier sur Romainville en réalisant une enquête originale, et repris une étude de cas menée sur le burn out dans le cadre d’un enseignement de cartographie de controverses à Sciences Po, et actualisée avec le concours des enquêtrices étudiantes. Composés de sources diverses (médias, textes scientifiques, textes juridiques…) et de ressources méthodologiques, les dossiers ont servi de support à l’investigation par les participant-e-s.
Le 21 mai 2019, lors de la première séance, les groupes et leurs formateurs Forccast ont d’abord échangé pour mutualiser les connaissances dont chacun-e disposait à propos du sujet abordé. Partant du constat que le prisme médiatique n’était qu’une arène spécifique de débats, chacun-e s’est plongé-e dans la lecture attentive des dossiers pour en saisir les multiples enjeux.
Pour la deuxième séance de l’atelier, le 11 juin, deux expert-e-s des sujets étudiés se sont aimablement prêté-e-s à l’exercice de l’entretien sociologique : Bénédicte Le Deley, alors secrétaire générale de l’Association nationale des DRH (ANDRH) et Stéphane Weisselberg, adjoint à la culture et au développement durable à la Mairie de Romainville. Avant d’accueillir leur interlocutrice-teur, les participant-e-s, formé-e-s par les sociologues de Forccast, ont élaboré les deux guides d’entretien semi-directif, qui ont orienté leur échange d’une heure avec les deux interviewé-e-s.
Lors de la dernière séance le 25 juin, et après relecture des transcriptions, les participant-e-s ont partagé leurs impressions sur les idées exprimées par les interviewé-e-s et le déroulé des entretiens. Ils-elles en ont ensuite collectivement produit une analyse, et situé ces arguments par rapport à l’ensemble des positions repérées dans les dossiers documentaires.
En fin d’atelier, beaucoup ont témoigné leur satisfaction et ont remercié l’équipe Forccast pour cette initiative. Certain-e-s ont même confié avoir changé d’opinion au cours de leurs travaux et exprimé leur envie de poursuivre ou réitérer l’expérience, ravi-e-s de désormais posséder les clés pour se repérer dans une situation d’incertitude.
La richesse des échanges lors des séances, l’engagement des participant-e-s et les retours enthousiastes ont convaincu l’équipe de la pertinence et la nécessité de former de nouveaux publics, citoyens. Portée par le succès de cette initiative, elle songe à reproduire l’expérimentation ou proposer une formation supplémentaire à celles et ceux qui souhaiteraient aller plus loin.