publié par Equipe FORCCAST le 12 févr. 2016
A l’occasion des journées Forccast à l’École des Mines pour les élèves du Microlycée 93 les 12 et 13 janvier 2016, nous avons rencontré Juliette Boutier, professeur de Sciences Économiques et Sociales qui encadre les Travaux Personnels Encadrés (TPE) cette année.
A la rencontre de Juliette Boutier, qui encadre les explorations de controverses pour la première fois cette année.
Comment s’organisent les TPE au Microlycée 93 ?
C’est dans le cadre des TPE que s’inscrit notre pratique des controverses. Dans l’emploi du temps, nous n’avons pas de moment fixe consacré aux TPE ; nous avons donc fonctionné par journée, ou demi-journées dédiées ce qui permet de pouvoir travailler sur des plages de temps plus importante que dans le dispositif classique mis en oeuvre en général dans les établissements.Les élèves ont travaillé pendant un mois sur l’argumentation autour de leur controverse : ils ont eu pour mission d’identifier des « acteurs », des « positions » quant à leur controverse. Cela les a conduits à lire des textes de toute sorte et ainsi d’apprendre à en mener des recherches. Puis il a fallu qu’ils étudient la manière dont ces « acteurs » défendent leur position, en analysant en particulier les types d’argument mobilisés. Ils ont ainsi réalisé un réel décryptage de l’argumentation. C’est là une capacité dont ils ont besoin dans toutes les disciplines. Nous nous en servons tout le temps, dans toutes les matières.A l’heure actuelle ils sont entrés dans la phrase de préparation de leur production, qu’ils devront rendre dans un peu moins d’un mois. Nous allons ensuite pouvoir travailler sur la préparation de l’épreuve orale, grâce à ces deux journées passées à l’École des Mines.Le travail sur la prise de parole en public est vraiment une chance pour eux, car ils vont pouvoir acquérir les techniques qui contribuent à la réussite d’une prise de parole. Grâce aux TPE nous avons le temps de travailler ces compétences qui sont souvent laissées au second plan quand elles sont au fond pourtant fondamentales.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le travail réalisé jusqu’à présent par les élèves ?
Tous les élèves ont leur sujet, avec des problématiques définies. Ils ont choisi les sujets eux-mêmes et ont dû dresser une liste des acteurs impliqués. Cela a été l’objet de cours en commun. Nous avons donc travaillé tous ensemble à la recherche d’acteurs en prenant une controverse prédéfinie en exemple. Ils ont vu comment identifier un acteur, et surtout comment analyser leur position, la manière dont ils argumentaient et se défendaient. Chacun a ensuite pu appliquer cette méthode par groupe, sur le sujet de leur controverse. C’était un travail très intéressant individuellement pour rechercher des sources différentes, pour mener une enquête sur le net et lire des articles.Après les deux journées passées aux Mines, ils doivent commencer à faire leur propre grille d’entretien grâce à tout ce qu’ils ont appris, pour ensuite contacter des acteurs de leur controverse et les rencontrer.Cette année nous avons un sujet sur les voitures électriques, sur les frontières et la liberté de circulation, sur la GPA, sur les nanotechnologies et la médecine… D’autres s’interrogent sur la mise en place d’un récépissé lors d’un contrôle d’identité. Un groupe travaille de son côté sur la contrainte pénale. Ils ont été tout à fait libres dans leur choix… même si évidemment nous avons pu les orienter ! Nous avons en tout cas une grande diversité de sujets ! Ils ont pu les choisir à l’issue d’une petite séance à la médiathèque de Drancy où ils ont feuilleté les journaux et regardé les sujets d’actualité qui leur parlaient.
En tant qu’enseignante, comment articulez-vous controverses et TPE ?
J’ai déjà encadré des TPE, l’an dernier à Aubervilliers, et je vis vraiment une expérience différente avec la cartographie de controverses. La cartographie de controverse permet de donner une forme au travail de problématisation : il y a là une méthode très efficace pour aider les élèves à comprendre ce qu’est une problématique.La manière dont ils abordent les choses avec la cartographie de controverses les obligent à dégager une problématique et ce de manière plus concrète et immédiate que dans une démarche classique de TPE. Ils commencent par identifier les différents acteurs qui s’expriment et à partir des arguments que chacun avance, ils vont les placer sur une carte, en fonction de leur rôle, de leur position sur le sujet. La cartographie de controverses leur permet de comprendre et saisir qu’il n’y a pas d’un côté ceux qui sont pour et ceux qui sont contre mais bien un éventail des positions, une complexité. Or c’est là le vrai sens d’une problématique !
Étudier une controverse, ce n’est pas trop difficile, ou trop abstrait, pour les élèves ?
Dans la discipline que j’enseigne, les élèves expérimentent déjà le fait qu’il n’y ait pas qu’une vérité sur un sujet donné. Ils apprennent ainsi qu’un économiste ou un sociologue peut défendre telle position, alors qu’un autre peut dire tout autre chose. Avec les TPE, les élèves expérimentent cela non plus dans le cadre d’une discipline mais dans le cadre de débats sociétaux, avec des sujets « vifs », vivants, en prise avec le présent, leur présent.Par ailleurs, la cartographie de controverses donne aux élèves l’occasion d’expérimenter l’interdisciplinarité. Ils voient que sur un même sujet des acteurs venant de mondes complètement différents peuvent s’exprimer.Ce qui est intéressant également dans la formule “cartographie de controverses” que propose Forccast, c’est qu’il y a une préparation directe à l’enseignement supérieur. Outre le fait qu’ils se retrouvent dans la situation de passer plusieurs semaines sur un même sujet, ils se retrouvent dans la configuration d’un étudiant amené à utiliser ses savoir-faire pour appréhender des questions qu’ils ne maîtrisent pas préalablement mais dont qu’ils vont devoir s’approprier. En tant que tel, ils construisent vraiment leur savoir. Cela leur demande un engagement et cela nous paraît important. Les TPE sont souvent l’occasion d’éprouver cet engagement, au-delà du scolaire – ne serait-ce que parce qu’ils vont pour beaucoup rencontrer des personnes issues de milieux professionnels très différents mais impliqués dans leur « controverse ». Il y a là en réalité une manière d’incarner l’esprit critique dont l’ambition est sans cesse affirmée mais dont il est parfois difficile dans l’enseignement classique de saisir comment le mettre en oeuvre. Au fond cela participe à leur formation en tant que citoyen ne serait-ce que par la démarche de « pédagogie active » que tout ce travail implique. Nous en avons fait un temps fort de notre enseignement en choisissant de l’inscrire dans le cadre d’une épreuve évaluée au bac – la première pour eux ! L’examen prend ainsi un sens et une signification qui nous paraissent essentiels et éclairent différemment la logique de leur travail scolaire par la suite. A nos yeux, leurs épreuves de fin d’année – le français et les sciences – bénéficient directement de ce que nous avons élaborés tout au long de ces séances de travail.