Les controverses à la croisée des innovations pédagogiques

publié par équipe FORCCAST le 06 déc. 2019

catégories Controverses · Enseignement secondaire · Enseignement supérieur · Formation des formateurs

Dans le cadre d’un partenariat inédit avec un autre IDEFI, l’équipe Forccast s’est rendue à l’Université d’Orléans les 14 et 15 octobre derniers pour dispenser une formation à la cartographie des controverses à une vingtaine de participant-e-s du programme Édifice. Un point fort pour Forccast, puisque cette collaboration a offert au programme l’occasion de tester l’application de ses méthodes aux porteurs-euses d’un autre projet d’innovation pédagogique.

Un partenariat qui prend la forme d’un nouveau parcours “Controverses” dans l’Académie d’Orléans

Les programmes Édifice et Forccast articulent recherche et formation, en mettant l’accent sur les dispositifs de production de connaissances scientifiques contemporaines. Implanté à l’Université d’Orléans, Édifice a pour but la promotion des filières scientifiques auprès de lycéen-nes, public cible partagé avec Forccast. L’originalité d’Édifice réside dans l’association de doctorant-e-s et enseignant-e-s du secondaire, qui accompagnent en binôme les lycéen-nes dans des parcours pédagogiques.

Grâce au suivi des projets IDEFI (Initiatives d’excellences en formations innovantes) assuré par Mireille Brangé, responsable d’actions d’excellences en pédagogie, l’Agence nationale de la recherche (ANR) avait identifié des synergies possibles entre les deux programmes. En juin 2018, un séminaire réunissait à Dijon les projets labellisés IDEFI par l’ANR : l’opportunité pour les équipes de se rencontrer et partager leurs expériences ; puis lors de rendez-vous ultérieurs de poser les bases d’un partenariat. Cette collaboration a pris la forme d’un nouveau parcours de formation, intitulé Controverses, et élaboré avec le soutien de Forccast. Pour Françoise Archaimbault, physicienne et directrice d’Édifice, celui-ci permettra notamment de “favoriser l’entraînement au développement de la pensée critique, ce qui est très important”.

Thomas Tari et Vincent Casanova ont posé la première pierre de ce parcours en dispensant à Orléans et sur deux journées une formation à la cartographie de controverses. Le public formé était extrêmement divers : doctorant-e-s en chimie, en histoire, en économie, en géographie, en sciences de la combustion, accompagnaient des enseignant-e-s de lycée dans des disciplines aussi variées que l’histoire-géographie, les sciences de la vie et de la Terre, les sciences de l’ingénieur ou encore économiques et sociales. Forccast a ainsi eu l’occasion de former un public mixte incluant enseignant-es du secondaire et doctorant-e-s, ce qui a donné lieu à des échanges riches sur les liens entre pédagogie et recherche. Comme le précise Françoise Archaimbault, “les doctorants, eux-mêmes anciens étudiants, sont dans une démarche de recherche au quotidien et vont développer des compétences nouvelles par le parcours Controverses. Pas seulement de chercheur, mais aussi de transmission des connaissances”.

De la nature d’une controverse à son étude en classe

La première matinée de formation a été consacrée à la définition et à l’analyse du rôle que jouent les controverses dans la construction des connaissances aujourd’hui. Une riche discussion sur la nature et les dispositifs de recherche s’est engagée avec les participant-e-s. S’est ensuivi une séance portant sur les principes méthodologiques de l’analyse de controverses et sa mise en oeuvre auprès d’un public lycéen. Il s’agissait notamment de définir les critères déterminants de choix d’un sujet de controverse pour une étude en classe. Un enjeu de discussion a porté sur la question de la granularité de l’analyse : il a fallu penser l’articulation entre les sujets de recherche par nature très spécialisés des doctorant-e-s, et ce qui pouvait constituer l’objet d’un travail d’enquête mené par des lycéen-nes. Ceci a conduit les thésard-e-s à s’interroger sur leur contribution à l’encadrement et l’accompagnement pédagogique, au-delà d’un thème dont ils sont les garants scientifiques. Une démarche d’ouverture féconde pour envisager l’après-thèse.

Thomas Tari introduit les participant-e-s à la cartographie de controverses

Le lendemain, les participant-e-s se sont plongé-e-s dans l’exercice de l’étude documentaire, “indispensable pour bien comprendre ce qu’on va mettre en place avec les élèves”, selon le témoignage de l’un-e des apprenant-es à la fin du stage. Le dossier, portant sur le burn-out, avait été préparé et actualisé par des anciennes étudiantes en lien avec l’équipe Forccast, dans le cadre de l’atelier de sociologie populaire des controverses du printemps dernier. Il a été adapté pour constituer une ressource documentaire concrète sur laquelle travailler lors des formations dispensées.

A gauche, Françoise Archambault, directrice d’EDIFICE

Le dernier après-midi centré sur l’élaboration d’une séquence pédagogique a constitué le point d’orgue de la formation, puisqu’il visait à la mise en place effective de l’analyse de controverses dans les établissements dont les enseignant-e-s présent-e-s étaient issu-e-s. L’expérience de Vincent Casanova, lui-même enseignant du secondaire, a été essentielle pour proposer un déploiement adapté à chaque contexte pédagogique. Ces trois dernières heures de travail ont donc intensément mobilisé l’équipe et les participant-e-s, qui ont dû réfléchir au déploiement immédiat du dispositif tout en prenant en compte les nouvelles contraintes accompagnant la réforme du lycée. Depuis 2012, la cartographie de controverses était principalement enseignée dans le cadre de la préparation aux travaux personnels encadrés (TPE), épreuves anticipées du baccalauréat. Leur disparition a nécessité de concevoir leur déploiement sous de nouvelles formes : en enseignement moral et civique, en sciences numériques et technologie, au sein des enseignements disciplinaires dont les programmes évoquent les controverses (SVT, géographie…), ou encore pendant des heures dédiées à l’accompagnement personnalisé et peut-être à la préparation du grand oral. Cette variété de formats de déploiements est intéressante pour Forccast, qui peut ainsi expérimenter ses méthodes dans des contextes différents, en fonction des contraintes et des situations des établissements, des publics formés, et avec des formats de restitution des travaux divers. Pour un-e participant-e, “cette séance a ouvert de nouvelles pistes dans la manière de mettre en place un cours, avec une méthode d’apprentissage pertinente et innovante.”

Vincent Casanova (à gauche) encadre les groupes

Une diffusion accrue des principes et méthodologies de l’analyse des controverses

La semaine précédant cette collaboration avec Édifice, Thomas Tari avait donné une formation à destination d’enseignant-e-s de l’école supérieure d’arts et métiers (ENSAM) sur le campus d’Aix-en-Provence, afin qu’ils-elles accompagnent des étudiant-e-s dans la rédaction d’un rapport d’initiation à la recherche. Les formations ENSAM et Édifice s’inscrivent toutes deux dans le large déploiement de la formation de formateurs-trices à la cartographie de controverses, qui s’accroît depuis 2018. Alors que Forccast entame bientôt sa dernière année de financement, la multiplication des formations vise à rassembler une communauté stable qui partagera les connaissances et méthodes du programme au-delà de son terme. Au début de l’année 2018, un important dispositif avait été mis en place en concours avec l’AEFE, invitant ainsi des lycées français à l’étranger à se lancer dans l’analyse de controverses et l’exercice de simulation. Cette expérience initiatrice pour L’AEFE a été un élément phare dans la pérennisation de la formation de formateurs-trices, portée aujourd’hui par Vincent Casanova auprès du réseau de l’Agence. En outre, depuis plusieurs années, la cartographie de controverses est enseignée dans le cadre de Plans académiques de formation (auprès de l’académie de Créteil, de Paris). Forccast renouvelle l’expérience avec un stage de trois jours à la fin du mois de décembre, et amorcera un dispositif analogue avec l’académie de Versailles l’année prochaine. La grande envergure de tous ces dispositifs cumulés témoigne de l’intérêt que suscite la cartographie de controverses, et sa pertinence à destination d’apprenant-e-s de toutes disciplines.

La coopération entre les deux programmes est d’autant plus forte qu’elle s’est concrétisée à quelques semaines du grand colloque qui réunira début décembre les trente-six IDEFI portés par des institutions de l’enseignement supérieur depuis 2012. Cet événement de grande ampleur marquera l’échéance de nombre d’entre eux. L’occasion pour Forccast et Édifice de présenter le fruit de leur travail commun à d’autres actrices et acteurs de l’innovation pédagogique, ainsi que les chemins qui leur restent encore à parcourir.

Françoise Archaimbault a d’ailleurs confié sa volonté de poursuivre avec le parcours Controverses dans le supérieur, avec des étudiant-e-s en filières scientifiques. “Je veux engager les étudiants dans cette démarche de travail à l’oral qui est fondamental, à travers la simulation. Partir sur une réflexion qui n’est pas en lien direct avec la discipline sur laquelle ils sont engagés. C’est ce que je veux mettre en avant : venez apprendre à vous exprimer à l’oral autrement, à faire de la recherche, tester votre esprit critique, tout en développant des compétences transversales dont ils auront de toute façon besoin par la suite. Et pourquoi pas, proposer un programme étalé sur les deux années de Master !”