De Sciences Po à l’OCDE : la valorisation d’une étude de controverse

publié par Equipe FORCCAST le 12 avr. 2017

catégories Controverses · Enseignement supérieur · Événements

Les jeudi et vendredi 30 et 31 mars, neuf étudiant-e-s de la Paris School of International Affairs de Sciences Po ont été invité-e-s à présenter leur poster et un article, intitulés “Gender and Corruption: a toolkit to address the ‘add women and stir’ myth”, lors du forum mondial 2017 de l’OCDE sur l’intégrité et la lutte anti-corruption, au siège de l’Organisation de coopération et de développement économique.

Bérengère Sim, Nikita Blanes, Josette Bockelie, Angel Kharya, Ana Paula Nunes Lopes Garcia, José Ricardo Ortiz, Laëtitia Romain, Suvina Singal et Julie Vainqueur font partie d’un groupe de seize étudiants inscrits au cours “Mapping Controversies: Gender and Corruption”, dispensé au printemps 2016 par Thomas Tari dans le cadre du programme FORCCAST.

Ce sujet d’étude a été proposé en amont par l’enseignant, sur la base d’une enquête préliminaire conduite le semestre précédent par d’autres étudiants de PSIA. Il consiste en l’analyse d’une controverse scientifique générée par deux articles publiés en 2001 (“Are women really the ‘fairer’ sex?”, Dollar et al.; “Gender and Corruption”, Swamy et al.) qui mettent au jour une corrélation statistiquement significative à l’échelle d’un pays entre le nombre croissant de femmes y occupant des positions de pouvoir et un plus faible indice de corruption. Ces publications concluent ainsi à une moindre corruptibilité des femmes et incitent pour cette raison à promouvoir leur ascension à des postes de responsabilité.

En épluchant les centaines d’articles qui citent ces deux références, les étudiants ont constitué une base de données bibliographique dans l’outil libre Zotero, réunissant toute la littérature qui ne se contente pas de reprendre ces résultats pour acquis, mais en discute spécifiquement la méthodologie et les enjeux. Ils se sont alors partagé la lecture, l’annotation et les relectures croisées de leur corpus, et ont ainsi pu distinguer différents types d’arguments et approches disciplinaires. Les douze séances en classe furent l’occasion de partager collectivement les fruits de l’avancement hebdomadaire, d’organiser la division du travail au sein de cette grande équipe de recherche, et de débattre de l’apport de textes issus des Science and Technology Studies (STS), soigneusement choisis par l’enseignant pour éclairer l’étude de cette controverse sociotechnique. En retour, des étudiantes formées aux Gender Studies au cours de leur cursus à l’étranger, en ont partagé quelques classiques.Les étudiants ont ensuite étendu leur enquête aux quatre principales dimensions qui sous-tendent les débats au sein de leur corpus.

  • Un groupe s’est intéressé aux critiques d’ordre statistique portées par d’autres économistes et spécialistes des théories institutionnalistes ;
  • un autre a cherché à approfondir les approches culturalistes de l’étude de la corruption, notamment dans le rapport au genre ;
  • un troisième s’est attaqué à une littérature très distincte regroupant les expériences psychologiques évaluant les comportements distincts des hommes et des femmes alors qu’on leur propose un pot-de-vin ;
  • un dernier groupe enfin s’est penché sur la méthodologie de construction des indicateurs de corruption, principalement basés sur la perception et dont les données sont rarement désagrégées.

Ces lectures – plus de 200 références concrètement étudiées et mobilisées – ont été complétées par la réalisation de sept entretiens, intégralement retranscrits, auprès de chercheurs et spécialistes issus de services nationaux et organismes internationaux de lutte anti-corruption.

Les dernières séances de ce cours de vingt-quatre heures ont été consacrées au travail sur la structure, puis la rédaction d’un rapport collectif de 70 pages, produit final de cette étude, qui a aussi fait l’objet d’une présentation orale devant une partie de leur promotion, les enseignants des cours “Mapping Controversies” et une experte invitée.

À l’issue de cet excellent travail, neuf étudiant-e-s ont profité de l’opportunité que leur offrait un appel à propositions de l’OCDE, pour persévérer dans leurs recherches. Si l’exercice de cartographie d’une controverse consiste en une mise à plat des arguments et enjeux des différentes parties prenantes suivant un principe de symétrie ; leur article, aussi décliné sous la forme de poster, se fonde sur cette fine description pour proposer un ensemble de recommandations pratiques, incisives et pertinentes, à l’égard des chercheurs et managers de la lutte anti-corruption.

L’étude de controverse emprunte ses méthodologies à la recherche en sciences sociales : elle apprend non seulement à produire un repérage de l’état de l’art scientifique, mais aussi à saisir la dynamique sociale qui rend ces questions problématiques dans l’espace public. La sélection de leur papier au sein du “ResearchEdge” du forum 2017 de l’OCDE, par un comité scientifique international, montre qu’en retour, la production de ces étudiant-es a été jugée comme un travail de recherche à la fois de qualité, et original. Il s’agit là d’une valorisation particulièrement réussie d’un projet de classe, qui confirme le caractère pédagogiquement innovant des expériences menées par le programme FORCCAST.

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